Entre les arbres

Retour au sommaire

Écologie

Si vous vous intéressez à l'agriculture durable, il y a de fortes chances que vous tombiez un jour sur le terme d'agroforesterie. Derrière cette notion se cache un concept qui a le potentiel de restaurer les écosystèmes naturels tout en créant de nouvelles sources de revenus pour l’agriculture familiale.

Togo : notre partenaire Ecotop Suisse* organise sur place des formations de terrain pour transmettre le savoir-faire nécessaire pour pratiquer l'agroforesterie dynamique.

Togo : notre partenaire Ecotop Suisse* organise sur place des formations de terrain pour transmettre le savoir-faire nécessaire pour pratiquer l'agroforesterie dynamique.

L'agroforesterie se définit comme une agriculture combinant cultures et arbres. Formule bien simple mais pas très élégante. Car derrière ce terme se cache bien plus que la définition ne le laisse supposer.

L'idée de base de l'agroforesterie repose sur un principe très ancien : combiner différentes espèces de plantes de manière à ce qu'elles s'influencent mutuellement de façon positive. Un exemple centenaire de cette approche est la méthode de culture des Trois Sœurs, qui était surtout répandue chez les communautés iroquoises sur le continent américain.

En appliquant cette technique agricole, les fruits cultivés, à savoir la courge, le maïs et les haricots, profitent directement les uns des autres : le maïs constitue le support grimpant pour les haricots, les haricots fixent l'azote de l'air et l'apportent au sol, la courge s'étend autour des pieds et empêche les mauvaises herbes de pousser grâce à ses grandes feuilles, tout en créant un microclimat humide. Win-win-win !

Améliorer le sol et la récolte grâce à des cultures intelligentes

Pratiquer l’agroforesterie ne permet pas seulement de créer de telles interactions directes entre les plantes, mais également d’obtenir des effets positifs à long terme pour l'environnement et l'humain. Pour ce long terme, on fait intervenir des arbres - d'où le nom.

"En agroforesterie, nous parlons de cultures intelligentes", explique Ousseni Porgo, responsable du département agronomie et achats chez gebana Burkina Faso : "Leurs actions conjointes stabilisent le sol et le rendent plus fertile".

Toutefois, les effets de ces cultures intelligentes vont encore plus loin : si les productrices et producteurs associent les bonnes plantes, les récoltes peuvent s’étendre sur toute l'année et ne connaissent jamais de temps mort – du moins dans des pays comme le Burkina Faso ou le Togo. De meilleures récoltes signifient plus de revenus pour les familles : c’est précisément l'un des objectifs principaux que gebana poursuit.

Méthodes sophistiquées nécessaires pour stopper la désertification

Au Togo et au Burkina Faso, une forme traditionnelle de ce type de culture est établie depuis longtemps, comme Ousseni le décrit : "Les familles cultivent du maïs ou du manioc entre leurs manguiers et leurs anacardiers pour subvenir à leurs besoins". Mais cela ne suffit pas pour lutter contre la désertification.

Les causes de la désertification – c'est-à-dire la transformation de terres fertiles en steppes – peuvent être la baisse du niveau de la nappe phréatique ou – et c'est là que le bât blesse - l'abattage d'arbres ou de haies. Dans notre contexte cependant, au Togo et au Burkina Faso, c’est avant tout le changement climatique qui menace les écosystèmes régionaux. Il pose des problèmes aux familles de productrices et producteurs ainsi qu’à nous-mêmes, des problèmes pour lesquels il n'existe pas encore de solution ultime.

Certaines des méthodes utilisées en agroforesterie permettent de contrer ou du moins d'atténuer les problèmes liés au changement climatique. En appliquant ces méthodes, on peut par exemple combiner des cultures comme le maïs, les piments ou les aubergines avec des espèces d'arbres comme les orangers et les citronniers, les avocats et les cacaoyers. Selon la région, on y ajoute également des arbres à bois utilitaires ou des essences précieuses qui y sont indigènes. Ensemble, ils forment un système composé de plusieurs espèces habilement disposées, qui ont des cycles de vie différents. Ainsi, on alimente le sol en matière organique, on abat les vieux arbres peu productifs et on les remplace par ceux qui font de l'ombre ou qui maintiennent l'humidité dans le sol. La matière organique forme de l'humus et protège le sol de l'érosion, ce qui en améliore la qualité.

Togo : les participantes et participants aux formations élaguent des arbres sur les parcelles test.

Togo : les participantes et participants aux formations élaguent des arbres sur les parcelles test.

Le transfert de connaissances est décisif pour une mise en place réussie

Concevoir de tels systèmes requiert des connaissances spécialisées. C'est pour cette raison qu'en 2020, chez gebana Togo, nous avons commencé à mettre en place des parcelles de test et à initier les familles d’agricultrices et d’agriculteurs à l'agroforesterie dynamique dans le cadre de formations. Actuellement, nous nous engageons dans ce type de démarches au Togo et au Burkina Faso.

Au Togo par exemple, nous testons et montrons sur les parcelles des cultivatrices et cultivateurs comment les cacaoyers peuvent être combinés avec d'autres arbres et cultures. Nous présentons également la manière d'utiliser des engrais biologiques ou de lutter contre les parasites avec de l'huile de neem.

Le plus grand défi est de convaincre les agricultrices et agriculteurs sur place, comme le commente Eric Ankou de gebana Togo : "Il est difficile de mettre en place un système agroforestier dynamique. Outre l'effort financier, il faut beaucoup de main-d'œuvre. Pour la mise en place comme pour l'entretien".

Au début des formations sur les parcelles test, beaucoup de participantes et participants sont perplexes, voire méfiants, ne comprenant généralement pas pourquoi il faudrait élaguer leurs arbres ou même abattre certains d’entre eux pourtant déjà vieux. Mais il y a une raison à cela : pour augmenter les rendements, l'agroforesterie a besoin de plantes de chaque "étage" pour couvrir toute la gamme ; on imite ainsi la symbiose naturelle de la forêt. Selon Ankou, la plupart des participants reconnaissent les avantages de ces techniques lorsqu'ils voient des changements à moyen et long terme sur les parcelles d'essai.

À chaque région son type spécifique d'agroforesterie

Au Burkina Faso, nous travaillons sur un projet similaire depuis septembre 2021. Ici aussi, nous voulons montrer aux familles travaillant avec nous les effets positifs que peut avoir l'agroforesterie. Sur des parcelles pilotes, nos techniciens agricoles testent avec les familles de cultivatrices et cultivateurs les plantes qui s'harmonisent bien entre elles. L'implication précoce des agricultrices et agriculteurs est ici aussi essentielle à la réussite de la formation. "Malheureusement, nous ne pouvons pas former chaque producteur individuellement. C'est pourquoi nous voulons transmettre le savoir des techniciens agricoles aux agriculteurs, qui passeront ensuite le flambeau à d'autres agriculteurs", explique Ousseni Porgo.

Pour cela, les connaissances acquises au Togo ne nous sont pas d'une grande aide : il faut toujours tenir compte des spécificités régionales dans lesquelles une agroforesterie dynamique doit être mise en place. Un système développé pour le cacao comme celui du Togo exige d'autres méthodes qu'un système pour le soja ou la mangue sous d'autres latitudes.

Justement, d’autres horizons : l'agroforesterie a le potentiel de faire évoluer les mentalités en Europe également. L'idée a notamment fait son chemin jusqu’en Grèce, où un projet similaire est en cours de planification. Là-bas aussi, nous organiserons des parcelles de test où les familles d'agriculteurs et d’agricultrices pourront constater de leurs propres yeux ce qui est possible grâce à ces techniques et comment elles peuvent transformer leurs champs et vergers.

Dans tous les cas, que ce soit au Togo, au Burkina Faso ou en Grèce, l'agroforesterie est une aventure de longue haleine. Nous devons, tout comme les producteurs et productrices avec lesquelles nous travaillons, développer une compréhension optimale et une aisance assurée afin de mettre en pratique les connaissances acquises sur les parcelles d'essai. Des cycles de formation continus, une présence accrue d'experts sur le terrain et un suivi permanent des exploitations converties doivent ouvrir la voie à l'extension d'une agroforesterie dynamique - étape par étape.

Projets en cours

Organic Cocoa Farming in Togo: soutenu par le Secrétariat d'État à l'économie SECO et la Swiss Platform for Sustainable Cocoa, actif depuis 2020.

Sustainable and Organic Cocoa Farming in Togo: nous menons ce projet avec notre partenaire Altromercato, qui a démarré en 2020.

Sustainable Mangos and Cashews - Made in Africa: projet initié par Coop et HALBA, lancé en septembre 2021.

En collaboration avec :

*Ecotop Suisse: nos partenaires pour les écoles de terrain et les formations sur place, au Burkina Faso et au Togo (consulté le 16.12.2021)


Sources

About Agroforestry, Food and Agriculture Organization of the United Nations, 2015 (consulté le 11.11.2021)

gebana Switzerland, Ecotop, 2018 (consulté le 21.12.2021)

Développements positifs au Togo, gebana Blog, 2019, (consulté le 21.12.2021)