À la recherche du raisin régional
Les vignobles font partie du paysage dans de nombreuses régions de Suisse et du sud de l'Allemagne. Importer du raisin peut donc sembler superflu. Toutefois, les apparences sont trompeuses. Actualisé le 27.6.2023
"Pourquoi devrais-je acheter du raisin de Grèce quand il y a du raisin de Suisse ?" Sur les réseaux sociaux, ce genre de questions revient régulièrement.
C'est une question légitime. Après tout, dans de nombreux endroits de Suisse ou du sud de l'Allemagne, nous voyons des collines et des montagnes couvertes de vignes.
Les chiffres de l'Office fédéral de l'agriculture confirment également l’impression que de vastes quantités de raisin poussent dans le pays : en 2020, les familles d’agriculteurs et agricultrices suisses ont cultivé de la vigne à l'échelle nationale sur une superficie d'environ 14 700 hectares. En Allemagne, cette surface agricole s'élève même à plus de 100 000 hectares de terres.
La superficie cultivée en raisins de table suisses n'est plus recensée
Aussi impressionnantes que ces statistiques puissent paraitre, elles nous mènent vers une fausse piste. En effet, les raisins poussant dans ces vignobles n’ont presque sans exception qu’un seul objectif: la bouteille de vin.
Il s’avère que le raisin de table est si peu cultivé en Suisse qu'il n'existe pas de chiffres précis, comme nous l'explique Herbert Zufferey de Schweizer Obstverband (association suisse des fruits). Ce dernier ne peut qu'estimer le rendement suisse. Il pourrait s'agir d'environ 200 tonnes par an, écrit-il.
Mais ce n'est pas tout à fait exact. Au moins jusqu'en 2019, il existait des statistiques annuelles sur la surface de culture du raisin de table, collectées par l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG). Depuis 2020, ce n’est pourtant plus le cas. L'année dernière, l'Office fédéral est passé à une nouvelle méthode d'enquête et publie désormais les chiffres sous le nom de Statistique de la superficie des cultures fruitières en Suisse. Actuellement, les raisins de table ne sont pas inclus - probablement parce que la surface cultivée est trop petite.
En 2019, l’OFAG a indiqué une surface de culture d'environ 17 hectares, soit un peu moins de 2 hectares de moins que l'année précédente. En moyenne, on compte 5000 vignes par hectare, chacune produisant environ 2,5 kilos de raisins par saison. Sur cette base, l'estimation de Zufferey de 200 tonnes de rendement annuel suisse est donc assez précise. Du moins pour 2019.
99 pourcents des raisins vendus en Suisse sont importés
Ce rendement potentiel d'environ 200 tonnes par an contraste avec la consommation réelle de raisins de table en Suisse, qui est d'environ 40 000 tonnes annuelles. Inévitablement, 99 pourcents de ces fruits proviennent de l'étranger. D’Italie et de Grèce, principalement. Il n’en est pas autrement en Allemagne. En 2019, le pays a importé environ 317 000 tonnes de raisins de table.
Pourquoi ? Ici, les coûts de production sont trop élevés. Pour les agricultrices et agriculteurs suisses, il n'est tout simplement pas rentable de cultiver du raisin de table, déclare Herbert Zufferey de Schweizer Obstverband.
Il faut aussi dire que le raisin réagit également de manière très capricieuse au climat, en fonction de la variété. Bien sûr, certaines variétés prospèrent sous nos latitudes. Mais la vigne préfère largement les zones tempérées à l’instar de la Méditerranée.
De bons rendements attendus pour 2023 en Grèce
C'est exactement de là que proviennent nos raisins de table. Sur la péninsule grecque du Péloponnèse, Giannis Kollias et sa famille cultivent des raisins biologiques de la variété Soultanina. En 2021, nous livrerons ses fruits pour la sixième fois.
La saison actuelle se déroule jusqu'à présent mieux que les deux dernières. Alors que les vignes d'une trentaine d'années ont dû supporter un certain stress au cours des deux dernières années – chaleur et sécheresse – elles se portent beaucoup mieux cette année. "Il a beaucoup plu jusqu'à présent et les conditions météorologiques sont plutôt bonnes", explique Giannis Kollias.
Lors des vagues de chaleur de 2021 et 2022, l'agriculteur a perdu entre 50 et 80 pour cent de sa récolte. Mais pour cette année, il a bon espoir et s'attend à récolter jusqu'à 13 tonnes. Pour autant que les mois de juillet et d'août ne lui jouent pas de mauvais tours !
Les méthodes conventionnelles ne se valent plus
Il n’empêche que la culture du raisin de table en agriculture biologique est exigeante, même sans chaleur. Giannis Kollias se promène souvent dans ses champs et vérifie les raisins un par un. Il enlève les fruits infestés de parasites ou de maladies. Parfois, il peut aussi traiter les vignes avec des bactéries qui protègent les grappes.
Toute la culture serait plus facile pour Kollias et sa famille s'il utilisait des pesticides et des engrais. Mais il sait que cela nuirait à l'environnement et mettrait en danger sa propre santé et celle des personnes qui finissent par manger le raisin.
En outre, il obtiendrait un prix beaucoup plus bas pour les raisins cultivés de manière conventionnelle et finirait probablement comme son voisin. Ce dernier a quitté ses champs entre-temps. La culture de raisins n'avait plus de sens pour lui. Tout comme en Suisse et en Allemagne.
Sources
Base de données de l’ Administration fédérale des douanes AFD: Swiss-Impex
Office fédéral de l'agriculture: Les cultures de fruits et de raisin de table de la Suisse - statistique des surfaces 2019 (consulté le 15.7.2020)
Office fédéral de l'agriculture: Statistiques des cultures fruitières de la Suisse 2020 (consulté le 5.8.2021)
Office fédéral de l'agriculture: L'année viticole 2019 (consulté le 15.7.2020)
Office fédéral de l'agriculture: L'année viticole 2020 (consulté le 5.8.2021)
Base de données de la Food and Agriculture Organization of the United Nations: FAOSTAT
Base de données de l’Office fédéral des statistiques d’Allemagne: Genesis-Online